Réponse à l’Article de Gabon Review "Apocynacées gabonaises : Un trésor scientifique et économique menacé – Agissons avant qu’il ne soit trop tard !"
L’article publié par Gabon Review le 30 janvier 2025 sur l’iboga révèle une réalité plus large : la famille des Apocynacées regorge de plantes au potentiel thérapeutique et économique colossal pour le Gabon. Ces ressources naturelles sont cependant menacées par des pratiques non durables et une exploitation injuste. Il est temps d'agir.
Les Apocynacées : Un Patrimoine Botanique Inestimable
Le Gabon possède un véritable trésor botanique dans ses forêts : les Apocynacées. Parmi elles, trois espèces illustrent parfaitement leur importance ainsi que les défis auxquels nous sommes confrontés :
* L’Iboga (Tabernanthe iboga) : Utilisé depuis des siècles dans les rites Bwiti, cette plante est aujourd’hui étudiée pour ses propriétés anti-addiction. La thérapie à l’ibogaïne représente un marché mondial estimé à 2,5 milliards USD d’ici 2030, mais les communautés locales ne perçoivent qu’une infime partie des retombées économiques.
* Le Voacanga africana : Ses alcaloïdes, tels que la voacamine, montrent un grand potentiel contre le cancer. Pourtant, les graines brutes sont exportées à bas prix alors que leur transformation génère des profits considérables ailleurs.
* Le Rauvolfia vomitoria : Source de résérpine, une molécule clé contre l’hypertension, cette plante alimente un marché mondial de 800 millions USD/an. Là encore, le Gabon reste un simple fournisseur de matières premières.
Ces plantes sont menacées par une double exploitation : la biopiraterie (12 brevets sur la voacamine ont été déposés par des laboratoires étrangers en 2024) et la surexploitation (racines d’iboga arrachées )
Solutions Concrètes pour un Modèle Durable
Pour protéger ces richesses et transformer notre économie, voici quelques actions immédiates :
1. Stratégie Nationale "Apocynacées Éthiques Gabonaises"
* Interdire l’exportation brute des plantes (racines, écorces), comme le Brésil l’a fait avec l’açaï.
* Créer un label certifié pour les extraits transformés localement, garantissant une rémunération équitable des communautés grâce aux contrats APA (Accords sur la Propriété Intellectuelle liés à la Convention de Nagoya).
2. Soutenir les Initiatives Locales
* À travers l’association WAMI, dont je suis le président, nous cultivons déjà 100 plants de Voacanga africana à Libreville, avec un objectif ambitieux de 1 000 plants d’ici fin 2025.
* Chaque jeudi, dans mon rôle de consultant à l’émission Mbolo Samba sur Gabon Première, j’ai une vingtaine de minutes pour sensibiliser un large public aux enjeux des plantes médicinales du Gabon, leur potentiel thérapeutique et économique. Cette plateforme touche chaque semaine environ 15 000 téléspectateurs.
3. Développer une Bioéconomie Équitable
* Investir dans des technologies de transformation locale, telles qu’une machine à lyophiliser, qui multiplie par 10 la valeur des produits et crée jusqu’à 15 emplois directs par unité de transformation.
* Renforcer les partenariats avec des laboratoires éthiques, comme Alkemists Labs (États-Unis), qui reversent une partie de leurs bénéfices aux communautés locales via des contrats respectueux des Accords de Nagoya.
À tous les acteurs impliqués, voici ce que nous pouvons faire ensemble :
* À l’État gabonais : Appliquer strictement la Loi sur les Ressources Génétiques adoptée en 2024 et financer des centres de recherche publics spécialisés dans les plantes médicinales, comme l’Institut de Pharmacopée Africaine.
* Aux communautés locales : Organisez-vous en coopératives pour mieux négocier avec les acteurs internationaux et documentez vos savoirs traditionnels via des registres numériques sécurisés.
* À la jeunesse gabonaise : Engagez-vous dans des formations en botanique économique, phytothérapie et droit de la propriété intellectuelle pour préparer l’avenir.
Conclusion
Le Gabon ne doit plus être un simple pourvoyeur de matières premières. Les Apocynacées sont notre "or vert". Elles doivent être transformées ici, protégées ensemble, et devenir le moteur d’une bioéconomie équitable qui profite à toutes les générations.
Par Gauthier MAMFOUMBI
Naturopathe Scientifique, Président de l’Association WAMI, Consultant à l’émission Mbolo Samba sur Gabon Première.
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